lundi 28 décembre 2009

Bonne année

D’abord, le fou rire d’un enfant.

Puis celui d’un homme, qui avoue humblement s’être trompé.

Un morceau de tarte à la crème, au citron. Un gâteau au chocolat.

Une idée toute simple. Un projet ambitieux, ou simplement drôle et ludique.

L’amour transmit par une main tendue, un baiser soufflé, un clin d’œil.

Une nouvelle coupe de cheveux.

L’envie de se lever le matin.

Une belle année 2010.

mercredi 23 décembre 2009

Joyeux Noël

Nous discutions.

Il m'a dit : « C'est beau ce que tu écris, mais c'est souvent triste. »

- Justement, je voulais parler de Noël. »

- Noël aussi, c'est triste. »

Et pourtant ...

Nous étions six autour de la table. Nous eussions pu être treize ou deux, cela n'avait pas d'importance. Claire avait cuisiné une soupe de poisson et de fruit de mer. Des crevettes fraîches, des pétoncles, du saumon baignant dans un bouillon presque brûlant. Le vin était blanc et frais. La lumière des chandelles, jaune. Luc riait d'entendre Laura parler du sapin de Noël qui s'était effondré sur le sol de son salon, la veille. L'arbre était maintenant sur la galerie. Il attendait la fin des fêtes pour aller rejoindre le bord du chemin. Ça riait sans parler fort, pour ne pas réveiller le nouveau-né de Marc et Marie, qui dormait dans la chambre d'à-côté. Le bébé qu'elle pleurait de ne pas avoir encore, il y a de cela un an à peine. Le bébé que, maintenant, elle chérissait.

De nous voir tous ensemble réunis, j'ai pensé : « Oui, ça peut être triste Noël. Lorsqu'on est seul. »

dimanche 20 décembre 2009

Parents, un instant

Ils ont mis neuf ans avant d'avoir un enfant. Ils ont d'abord essayé comme tous les autres. Puis, comme ceux ayant les mêmes problèmes. Ils ont ensuite voulu adopter.

Un matin de mai, le téléphone s'est fait entendre. « Nous avons un fils. Neuf jours de vie, à peine. Une mère inadéquate. Il vous ressemble. » Ils ont enfin ramené un fils à la maison. Histoire banale.

Un matin de mai, huit ans plus tard. La mère prépare à dîner dans la cuisine, alors que le fils joue au ballon dans la cour d'une école de quartier. Au loin, le bruit d'une ambulance. C'est le fils qu'on vient chercher.

Ils n'ont pas pu le réanimer. Son coeur, après huit ans à peine, s'est arrêté de battre.

Au salon funéraire, la mère et le père debout, près de leur fils mort. Les revoilà seuls. Rattrapés par le destin.

mercredi 16 décembre 2009

Les vraies affaires

Elle a vu le bébé à l'écographie. Une fille ou un garçon, elle ne le sait pas encore. Elle sait seulement qu'il a le front bombé, les joues rondes.

Maintenant qu'elle l'a vu, elle peut s'inquiéter d'autres choses. Les moins pires, les tout aussi obsédantes. Elle peut serrer les dents devant ses hanches élargies. Face à son ventre, pas tout à fait rond. Plus du tout mince. Au comptoir de la pharmacie, elle peut maintenant, en toute quiétude, dépenser une fortune pour des crèmes qui ne lui serviront à rien. Devant sa peau d'orange, Claire peut oublier qu'elle a longtemps souhaité ce reflet.

lundi 14 décembre 2009

Souvenir d'enfant

Laura est en visite chez sa mère. Les tartes aux pommes ont le même goût qu'avant. Le soir, sa tête devient lourde sur le ventre de sa mère. Celle-ci lui caresse ses longs cheveux. Des cheveux d'enfant.

jeudi 10 décembre 2009

Mise en plis

Il n'y a rien de pire que de devoir se sécher les cheveux lorsqu'on est en retard.

Elle veut cette mèche bien droite et lisse. Lustrée, même. Heureusement, dehors, le temps est sec, ce qui l'encourage à s'acharner.

Elle veut cette frange légèrement gonflée. Un trait parfaitement égal au dessus de ses sourcils épais, pour souligner ses yeux verts. Pourtant, trois couettes luttent contre la brosse, contre son poignet fatigué.

Annabelle hurle de sa couchette. Son doudou est tombé par terre. Son frère le lui a arraché d'entre les dents. Par chance, le bruit du séchoir soufflant dans ses oreilles rend supportables les pleurs du bébé.

Il semble que ses cheveux s'entêtent à rester humides. Peut-être que le souffle n'est plus assez fort, plus assez chaud? Il faudra changer d'appareil, encore une fois.

Mais d'ici là, elle s'obstine à vouloir cette mise en plis impeccable. Sans pointe fourchue. Sans vague. Elle persévère jusqu'à ce qu'Arnaud l'arrose avec son fusil à eau rempli de jus d'orange.

Alors là, elle veut voir cette crinière disparaître. Elle attrape un élastique, noue ses cheveux en queue de cheval. Elle recommencera demain.

lundi 7 décembre 2009

Soir de décembre

Il est parti ce matin, vers 10 h 00. Envolé vers Paris pour dix jours. Un voyage d'affaire. Laura l'a embrassé avec fougue sur le pas de la porte, devant le chauffeur de taxi. Son baiser l'a rendue chaude et juste assez triste.

Elle a oublié de lui demander de programmer l'enregistreur pour la télé. Merde. Elle ne voulait pas rater cette émission d'affaire publique du dimanche soir, alors qu'elle recevra Claire pour souper. Tant pis, elle lira le résumé dans le journal du lundi.

Il s'est remis à neiger. Des gros flocons, déjà des balles de neige. C'est gai, pour un soir de décembre. Les enfants dorment à poings fermés et à bouche ouverte. Encore un rhume qui les empêche de souffler.

Elle se rappelle des longues semaines où son papa à elle partait travailler. Même si sa mère veillait sur elle, les soirs où son papa était absent, Laura dormait mal. Elle avait un peu peur, jusqu'à ce qu'il revienne. Jusqu'à ce qu'il reprenne sa place, dans le lit, auprès de sa mère. Alors là, elle dormait bien. Comme si son père, parce qu'il était plus fort, savait encore plus les protéger.

Ce soir, dans la maison endormie, Laura se demande si sa fille a eu du mal à trouver le sommeil, avec son papa parti. Car, couchée toute seule dans son grand lit, Laura a un peu peur.

jeudi 3 décembre 2009

L'imposture

Elle revient du théâtre. Parmi toutes les phrases récitées par les acteurs, elle retient celle-ci, ou quelque chose du genre : qu'est-ce que ma mère aurait pu devenir sans moi?

Ce soir-là, dans son bain, elle y pense longuement. « Quatre fois plus. Un peu moins? Ou peut-être rien. Rien du tout. »

dimanche 29 novembre 2009

Dimanche

Le dimanche, elle pleure un peu. Les larmes montent vers 20 h 00, au moment d'éteindre la lumière dans la chambre du petit. Deux larmes, parfois trois. Si peu, compte tenu de cette mer intérieure qu'elle se retient chaque fois de déverser.

Lorsqu'elle s'assoie devant la télé qui bourdonne, sous la lumière tamisée, au milieu du salon vide, devenu trop tranquille, elle se demande toujours ce qui vient de se passer. Elle repasse, dans sa mémoire, le temps envolé entre le vendredi soir et ce dimanche. Une main envoyée au plus vieux, des gradins de la patinoire. Un baiser volé à la petite, assise dans l'escalier. Un clin d'oeil échangé avec le petit, déjà grand. Quelques instants avant le dimanche. De beaux moments, rares.

Lorsque au matin, elle reprend sa course folle, lorsque au bureau, elle s'assoit enfin, elle garde les yeux posés sur la photo de ses trois amours. Assise devant son écran d'ordinateur, elle espère le vendredi suivant. Elle maudit le dimanche.

vendredi 27 novembre 2009

Partir en fumée

Il fume. Et bien qu'elle l'aime sincèrement, lorsqu'elle le voit tirer sur sa cigarette, elle le trouve dégoûtant. Il sort pour fumer. Autrement, elle ne le tolérerait pas.

Lorsqu'il met les pieds dehors, elle ne peut s'empêcher de s'asseoir sur la causeuse du salon, d'où elle le voit par la fenêtre. Elle fait semblant de lire, mais elle le regarde. Enragée.

Elle cherche, depuis longtemps, d'où vient son trouble. Elle voudrait s'en faire pour sa santé, déjà plus précaire que la sienne. Elle voudrait s'inquiéter de le voir mort ou malade, trop jeune. Mais son trouble n'a rien à voir avec la peur de le perdre.

C'est lorsqu'elle le voit rentrer derrière un nuage de fumée blanche, qu'elle comprend qu'il la déçoit.

Elle voudrait qu'il s'empêche de fumer comme elle s'empêche, secrètement, de boire.

lundi 23 novembre 2009

Au naturel

La beauté est une affaire de confiance en soi; voilà ce que raconte une publicité populaire. Anne l'a compris alors qu'elle passait l'après-midi dans un spa, près de chez elle.

Elle buvait une tisane à la poire, qu'elle redéposait, entre chaque gorgée, sur la table du bistro de la place. Il n'y avait personne autour, sinon la serveuse accoudée au comptoir. C'était mardi. L'endroit était désert.

Anne faisait de son mieux pour se détendre. Elle essayait parfois de fermer les yeux, de respirer lentement. Son corps huilé avait chaud sous son peignoir de ratine blanc. Heureusement, elle n'avait plus mal à la tête.
Elle venait d'être guéri par Paul, qui l'avait massée de ses doigts forts, vingt minutes avant.

Anne s'apprêtait à sortir prendre un bain lorsqu'elle est entrée. Elle avait les cheveux blonds, pour ne pas dire jaunes. Des cheveux presque courts, retenus en l'air par un cerceau doré. Ses mollets gras étaient blancs, presque bleus. Ils dépassaient d'une robe de chambre beige et fatiguée. Sur sa cheville, le tatouage d'un soleil noir contrastait avec ses ongles d'orteils parfaitement laqués de rouge. Seule sa bouche rose et pleine égayait son visage, jusqu'à ce qu'elle l'ouvre pour se mettre à parler. « Je prendrais une tisane à la camomille et un biscuit de caroube s.v.p. »

Anne ne pourrait pas dire si le charme émanait de sa voix grave ou de sa façon de bouger. De la manière dont elle se gratta la tête avant d'agripper la tasse brûlante d'une main assurée. Cette façon de marcher la tête haute, sans regarder autour. Celle de choisir une chaise sans hésiter. Peut importait. Dès qu'elle bougeait, cette femme devenait magnifique. Tellement, que devant son sourire sincère, Anne ne pu s'empêcher de resserrer sur elle l'encolure de son peignoir immaculé. Camouflant son corps superbe, sa poitrine généreuse, qu'on avait parfaitement sculptée.

jeudi 19 novembre 2009

Boum Boum

Elle a entendu les battements du coeur de son bébé. Un bruit pareil à celui d'une locomotive. D'un cheval de course. D'une vie. Elle n'a pas pleuré, elle a su se retenir.

En sortant de chez le médecin, elle s'est arrêtée s'acheter des robes. La vendeuse lui a demandé : « Vous êtes à combien de semaines? » Enfin, elle a pu répondre. Onze. Malgré son ventre encore plat, elle se sentait pleine.

mercredi 18 novembre 2009

Service de garde

Elle se cherche désespérément quelque chose à faire. Tellement, qu'elle juge toutes les mères qui vont porter leurs enfants à la garderie. Même celles qui osent le faire à temps partiel.

dimanche 15 novembre 2009

Corvée de vaisselle

Anne, le soir. Les enfants sont couchés. Enfin, elle n'a plus rien à dire. Ni bonjour aux collègues, ni bienvenu aux clients. Ni bonsoir au voisin, en sortant de la voiture les petits qui se chamaillent.
Elle fait la vaisselle. Le silence de la cuisine l'apaise. Seules les assiettes claquent. Entre les rinçages, elle empêche la porcelaine de se toucher. Elle veut, le moins possible, briser la quiétude de la maison.
***
Laura, le soir. Les enfants sont couchés. Encore, elle n'a rien à dire. Bien sûr, dans la journée, elle parle. Au plus jeune, pour qu'il descend du comptoir. À l'autre, qui ne veut jamais mettre ses mitaines. Sinon, elle ne parle pas. Elle pense à ce qu'elle aimerait dire. Elle pense à ce qu'elle ne dit plus, à force d'être seule avec les enfants, à la maison.
Elle fait la vaisselle. Le silence de la cuisine l'alourdit. Seules les assiettes claquent. Entre les rinçages, elle se force à faire crier la porcelaine. Le bruit des couverts l'empêche enfin de réfléchir.

mercredi 11 novembre 2009

Cours de danse

Je me demande si à son âge, on se préoccupe encore d'être belle. Si la mèche rebelle rend moins douce une journée de printemps. Si le ventre mou boude encore le maillot deux-pièces, ou si enfin, il s'en fiche. J'ose espérer qu'à son âge, la tignasse grise fasse oublier l'amertume d'un premier cheveu grisonnant. Que les rides creuses deviennent enfin une histoire heureuse, plutôt qu'un souvenir blessant. À la voir se déplacer moins vite que moi, j'admire la sagesse qu'elle a de vouloir prendre son temps.

Elle est aussi coquette qu'on peut l'être dans une salle de gym. Elle porte un pantalon noir moulant, une camisole, des souliers neufs. Elle a ramené ses longs cheveux en chignon serré sur sa tête. Ses lèvres sont roses.

Je danse avec elle et une dizaine d'autres, au rythme d'une musique bruyante. Lorsqu'elle s'arrête pour boire un peu d'eau, et éponger son front d'une serviette, je pense : « Dieu, faite qu'elle transpire seulement pour garder la forme. »

lundi 9 novembre 2009

Donne-moi ta bouche

La femme de Luc ne l'écoute plus.
Peut-être est-ce elle qui ne veut plus l'entendre?

- Chérie, j'ai enfin réglé le cas Beaudoin.
- Mmm...
- J'ai changé les pneus de la voiture pour l'hiver.
- Mmm...
- Je suis troisième dans mon pool d'hockey.
-Mmm...
- J'ai sauté la voisine.
-Mmm...

Depuis trois semaines, sa femme ne se maquille plus. Voilà! Voilà pourquoi il a sauté la clôture. De l'autre côté du mur, la bouche est toujours vermeille.

vendredi 6 novembre 2009

Sexy mama

Elle est magnifique et grosse. Elle se tient presque droite, le dos arqué vers l'arrière, le ventre haut. Ses doigts entrelacés sont immobiles sur ce qui pourrait être le dos du bébé. Ou sa tête. Ou ses fesses. Ses doigts entrelacés évoquent la prière. Pourtant, pense Claire, avec ce ventre-là, il n'est plus nécessaire de prier.

Ses seins débordent de son soutien-gorge trop petit, de son décolleté plongeant. L'image n'a rien de vulgaire. Elle est plutôt émouvante. Attirante et belle à vouloir toucher. Comme si son ventre, plus énorme encore, rendait convenable cette gorge nue.

Ses seins ronds et tendus, pareil à la peau de son ventre, font d'elle une femme bien avant une mère. Une femme pleine et désirable. Une femme, comme il se doit.

Devant elle, pour la première fois depuis septembre, Claire sent le bout de ses mamelons se gonfler. Un picotement léger, une douce quiétude.

mardi 3 novembre 2009

Ô miroir

Nous étions quatre autour d'une table, à rire et à manger. D'un coup, Anne a demandé : être belle, ça sert à quoi? Personne ne savait quoi répondre.

lundi 2 novembre 2009

Blue jeans

Laura a tout acheté, pour faire comme la fille de la page 92 de son magazine. Une mini robe drapée en coton framboise, ceinturée d'une fine lanière de cuir verni. Des boucles d'oreilles s'étirant jusqu'aux épaules, un bracelet parfaitement agencé. Un sac à main à franges, souple et profond, de grande qualité. Et des bottes montantes, bien au-delà des genoux. Des bottes de cuir noir qu'elle a payé 625.00 $. Elle a acheté sans occasion précise. Sans aucune raison, sinon celle de se trouver belle.

Ce soir, Laura dîne avec une amie. Elles ont choisi un resto à la mode de ses bottes nouvelles et de son sac à main. Avant de sortir, Laura enfile sa robe et ses bijoux, ses cuissardes et l'anse de son sac bourré. Devant son miroir, elle ne se reconnaît plus. Elle s'intimide. Laura est belle dans sa robe gourmande, mais elle n'ose pas bouger. Juste avant de partir, elle se change en jeans et en col roulé.

vendredi 30 octobre 2009

Bonhommes de neige

C'est l'hiver. Anne doit habiller les enfants. Chaque matin : six mitaines et six bottes, trois habits, qui semblent toujours trop grands. Trois tuques et trois écharpes, trois enfants ronds comme des ballons.
Malheureusement, Anne ne peut pas les faire rouler jusqu'à la voiture.

Sur son épaule droite : deux sacs à couches et deux sacs à lunch, un sac d'école et un sac à main. Sur sa hanche gauche, Arnaud, qui ne marche pas encore. Dans sa main droite, celle d'Annabelle, la petite qui trébuche un pas sur deux. Et loin, trop loin devant, Adrien, qui court dans la neige.

Une fois la portière de la voiture ouverte, Anne n'a plus la force de les hisser tous les trois jusqu'aux sièges d'auto. Pourtant, à chaque matin, elle arrive quand même à le faire.

mardi 27 octobre 2009

Film de guerre

Luc a loué un film de guerre. C'est un film américain, qui se passe ici. C'est l'histoire d'un homme et d'un fusil. D'un homme bon, puisqu'il s'enrage contre les truands. Un homme qu'on excuse, qu'on glorifie même, qu'on admire, malgré la fureur, la torture qu'il inflige, la vie qu'il prend. Et lorsque Luc voit la sueur et le sang, lorsqu'il entend les cris des méchants qui hurlent de peur, Luc se détend. Ça lui fait du bien.

dimanche 25 octobre 2009

Superstition

Claire ne croit pas en Dieu. Elle s'est pourtant souvent posée la question, sans toutefois se résoudre à croire que quelqu'un d'autre pourrait décider pour elle. Mais voilà qu'elle est assise en train de pisser dans une toilette publique. Elle a la tête entre les cuisses, une boule de papier dans les mains. Elle marmonne entre ses dents serrées : « Seigneur, faites que je ne saigne pas. » Depuis qu'elle est enceinte, chaque fois qu'elle pisse, Claire fait une prière.
***

Elle a fait tomber la salière. Pourtant, Claire ne sale jamais ses tomates. Elle préparait un sandwich débordant de mayonnaise sans gras, de moutarde de Dijon, avec deux tranches épaisses de tomates italiennes juteuses. Elle a tendu le bras pour prendre le poivre, elle a accroché le sel. Son ventre s'est crispé au bruit de la salière frappant le comptoir. Elle a tout de suite cru qu'une malédiction s'abattrait sur elle.

***
La voilà qui pisse encore. Alors qu'elle parle toute seule, Claire aperçoit un sou noir dans le coin du cabinet de toilette. Tout de suite rassurée, elle étire le bras pour ramasser la pièce de monnaie, et pense encore : « Je fais le voeu d'un bébé en santé. » Puis se sent ridicule.

vendredi 23 octobre 2009

Dessert maison

Je lui avais cuisiné un macaroni au fromage. J'avais quand même utilisé de la crème et du cheddar vieilli, du basilic frais.

Elle a dit : « J'en ai marre des mères indignes à la mode! »
Sa plus vieille venait de commencer l'école, et elle devait lui préparer un lunch à tous les matins. Elle s'était promis, dès la première semaine, de lui cuisiner un dessert différent chaque dimanche : des flans au caramel et du pain au banane, des biscuits à l'avoine, aux raisins, au chocolat, du gâteau des anges nappé de fraises, des yogourts maison.

J'ai jeté un oeil aux assiettes de pâtes posées sur la table. J'ai regretté les asperges grillées, que je voulais faire comme plat d'accompagnement. J'ai regardé Anne. En silence, j'ai admiré son dévouement. J'ai dit « Chez nous, on ne mange pas de dessert. »

mardi 20 octobre 2009

Francine

Il y a de ces femmes solides comme le roc. C'est comme si elles avaient été construites à même une montagne. Étrangement, elles ont souvent un coeur tendre et grand, immensément grand. Parmi celles-là, je pense à Francine, qui a eu un enfant malade. Est-ce son fils, atteint du cancer, qui a solidifié les épaules de Francine? Ou est-ce la vie qui a offert à ce fils les épaules d'une mère forte pour qu'il puisse s'y poser? Heureusement, ce fils était lui aussi solide. Il tient encore debout, plus droit qu'avant.

Depuis la maladie de ce fils, Francine aide les autres enfants malades et leurs parents. Elle ramasse des sous pour soutenir la recherche du cancer chez les enfants. Pour faire construire des chambres dignes d'un dernier repos, à l'hôpital Sainte-Justine. Pour payer le loyer d'une mère qui souhaite veiller au chevet de sa fille jusqu'au dernier moment. Et aux côtés de ces mères, de ces pères défaits qui doivent faire face à l'inacceptable, Francine veille aussi. Elle reste solide comme le roc, et elle ouvre son coeur si grand, que les parents ont enfin un endroit où venir pleurer.

Bravo Francine.
http://www.gouverneursdelespoir.org/indexz.php

lundi 19 octobre 2009

Prise 3

Mon ventre est flasque, pareil à celui d'une femme qui a porté deux enfants. C'est subtil, lorsque je me tiens droite. C'est pire, lorsque je m'assois. Quand je m'en rends compte, je me sens laide. Il faut alors que je pense très fort aux deux filles que j'ai mises au monde.

Lorsque je regarde Claire, je la trouve jeune et belle, avec son ventre plat. Pourtant, Claire a le même âge que moi, même pas 30 ans. Étrangement, lorsqu'elle me regarde, Claire me trouve jeune et belle. Pas comme elle, encore plus. Comme une femme redevenue jeune, les deux genoux dans le sable, avec les pelles et les camions. Comme une femme embellit par l'amour des petits bras qu'elle porte autour du cou.

Claire ne porte pas encore l'amour, malgré le bébé qui pousse dans son ventre depuis 4 semaines. Elle est enceinte, elle vient juste de l'apprendre. Malgré la nouvelle, la maman n'arrive pas à être heureuse. Pas cette fois. Pas après avoir laissé tomber les deux autres malgré elle. « Un avortement spontané n'est jamais de votre faute », lui a dit le médecin. Elle le sait. Pourtant, elle cherche encore comment ils se sont s'échappés. Elle se demande encore comment elle pourra encore une fois espérer. Comment être heureuse. Jeune, belle et heureuse comme une maman.

dimanche 18 octobre 2009

Les personnages

C'est l'histoire de Claire, enceinte pour la troisième fois. Elle attend son premier enfant.

De Laura, mère de deux enfants. Elle est mère à temps plein comme toutes les autres. Sauf qu'elle reste à la maison.

D'Anne, mère de trois enfants. Elle travaille à temps plein comme toutes les autres, puisqu'elle n'a pas le choix. Heureusement, il lui arrive parfois d'aimer son travail.

De Luc, le seul gars de l'histoire.

Et parfois des autres, croisés par hasard.