samedi 24 décembre 2011

Joyeux Noël

Une pensée toute spéciale pour ceux qui travaillent, la nuit de Noël.

Et pour leur famille qui souhaiterait les avoir près d'eux.

Joyeux Noël...

Noël chez les pauvres

Sa fille de 4 ans avait été marquée par la photo des petits Somaliens qu'elle avait vue dans le journal. Elle reparlait souvent de leur gros ventre, de leurs jambes et leurs bras maigres, de leurs yeux ronds comme des billes. Des squelettes, comme elle disait.

La veille de Noël, en se levant le matin, sa fille lui a demandé quand le Père Noël allait venir. Elle lui avait répondu : « Il arrivera très tard ce soir, ma chérie. Il doit faire le tour du monde pour aller porter des cadeaux à tous les enfants de la terre avant de venir. Il est très occupé. »

La petite avait eu un brin d'étincelle dans les yeux. « Il ira aussi voir les squelettes!?»

— Bien sûr, ma chérie. »

Elle n'avait pas eu le courage de lui dire que le Père Noël allait partout, sauf chez les enfants pauvres.

mercredi 21 décembre 2011

Dernier voyage

Dans le journal, sur la dernière page du cahier « Voyage », elle tombe sur la rubrique nécrologique. Treize voyageurs partis hier, qui ne reviendront plus.

mardi 13 décembre 2011

Trojan

Il est posté dans la rangée 4 de la pharmacie, entre les tests de grossesse et les onguents pour soigner les vaginites. En face de l'étalage à condoms.

Il a les cheveux couleur poivre et sel, il porte un anneau au doigt.

Il reste là longtemps. Semble hésiter entre l'ultramince et l'ultrasensible, la grandeur moyenne ou le gros format. À deux reprises, il jette un coup d'oeil rapide et discret par-dessus son épaule, au cas où quelqu'un l'observerait. Autrement, il se concentre sur les emballages en mordillant nerveusement l’ongle de son pouce droit.

Après quinze minutes d'hésitation, il se résigne à tourner les talons les mains vides.

vendredi 9 décembre 2011

Beauté espérée

Luc regarde sa fille et il la trouve belle. Pas seulement belle comme un père qui se doit de trouver belle sa fille, mais plutôt objectivement belle. Belle, comme pour lui et pour les autres, aussi. Il soupire. «Oufff...» Il trouve ça rassurant.

jeudi 1 décembre 2011

Des pompiers presque à poil

À vendre, sur le comptoir du café du coin : le calendrier 2012 des pompiers presque à poil. Bien sûr, c'est pour une bonne cause. Les fonds seront versés à la fondation des grands brûlés.

En reluquant les abdominaux du beau brun ténébreux de la page couverture, Anne se demande : « Et si on faisait pareil avec les infirmières? » Des cocottes en dentelles exposées pour la fondation du cancer du sein, en plein sur les comptoirs des restaurants, des pharmacies, des salons de coiffure. Franchement, l'idée lui semble scandaleuse.

mardi 29 novembre 2011

Le temps des fêtes

Laura se prépare pour le temps des fêtes. Elle fait comme on dit de faire partout dans les centres commerciaux, à la télévision, dans les magazines. Elle s'est acheté une robe neuve, est passée chez le coiffeur pour refaire sa couleur. Pourtant, elle n'a rien prévu de spécial pour Noël ; seulement un souper convivial chez sa soeur, comme elle en a souvent l'habitude. Rien d'exceptionnel pour justifier des nouveaux habits et une teinture fraiche, sinon les photos que prendra sa mère. Sur lesquelles elle aura au moins le mérite de se trouver belle.

Le bleu du ciel

Ce n'est pas le ciel qui avait changé de couleur. C'est elle qui s'était finalement procuré des lunettes adaptées à sa vue.

jeudi 10 novembre 2011

La brigade trempée

Il est brigadier, un jour de pluie. Heureusement, au coin des rues Boucherville et Seigneurial, où il travaille, il y a un abri-bus.

lundi 7 novembre 2011

L'anniversaire

Chaque année, à sa fête, la mère de Laura lui racontait la même histoire. « Il faisait beau, disait-elle. Il devait être six heures trente du matin quand nous sommes montés dans l’auto. Ton père était nerveux. Il ne disait rien. Moi, j’avais trop mal pour être nerveuse. Je gardais les dents serrées, les yeux rivés sur ma montre. J’ai quand même eu le temps de remarquer qu’il faisait soleil. J’ai même regretté d’avoir laissé mes lunettes à la maison… Je ne me souviens plus comment je me suis rendue de la voiture à la chambre d’hôpital. Je me souviens seulement qu’à huit heures huit, tu étais dans mes bras. »

Le récit redondant agaçait Laura, qui se demandait pourquoi sa mère insistait chaque fois à répéter l’anecdote. Comme si cette journée d’anniversaire lui appartenait autant qu’à elle.

Aujourd’hui, elle comprend : alors que son bébé s’apprête à souffler ses quatre chandelles, Laura réalise que c’est jour de fête, autant pour elle, que pour sa grande fille de 4 ans.

jeudi 3 novembre 2011

Mauvais poil

Quand elle entre dans un endroit composé majoritairement de la gent féminine, comme un salon de coiffure, un spa, la salle d’attente d’une esthéticienne ou une maison remplie de ses copines, par exemple, Anne pense.

« Attention aux femmes parfaites qui arrivent à garder leurs maisons et leurs enfants en ordre, et qui oseraient me le dire. Je mords. »

jeudi 20 octobre 2011

Des yeux comme des poches de thé

Au café.
Une nouvelle maman est assise, son bébé endormi dans son siège d'auto, à côté d'elle.
Elle est cernée jusqu'au ventre.
Elle boit une tisane à la camomille pour se faire croire que bientôt, elle ira dormir.

mardi 18 octobre 2011

Bouffée d'air frais

Elle prend une pause en face de son commerce : une boutique d'alimentation santé pour les bébés et les enfants. Elle n'a pas beaucoup de temps.

Pour relaxer, elle s'allume une cigarette.

jeudi 13 octobre 2011

Incognito

À la piscine, elle déteste les exercices de battements de jambes qu'elle doit faire, accoudée sur une planche, la tête hors de l'eau. Quand elle croise un autre nageur qui arrive en direction opposée, elle ne sait jamais quoi faire, où regarder. C'est pourquoi elle a acheté des lunettes de natation aux verres noirs, qu'elle garde presque en permanence sur ses yeux. Parfois, elle les porte même pour se rendre au vestiaire.

jeudi 6 octobre 2011

Un marathon

Quarante-deux kilomètres plus loin, elle était encore debout.

Pourtant, mille mètres avant, elle s'était arrêtée au pied de l'affiche, qui montrait 41 k. Elle s'était accroupie ; un peu pour étirer ses jambes endoloris par le chemin parcouru, un peu pour essuyer les larmes, qui coulaient sur ses joues. Elle ne pouvait plus avancer. Voilà. C'était aussi simple que ça. Elle pouvait seulement s'asseoir sur l'asphalte bouillant, et attendre qu'on vienne la chercher.

Celui qui est venu devait avoir 80 ans. Il s'est penché vers elle sans même hésiter. Avant d'ouvrir la bouche, il a pris le temps de lui retirer les écouteurs, qui crachaient de la musique techno dans ses oreilles. Elle s'est laissée faire. De toute façon, elle était paralysée. Le veille homme l'a regardé de ses yeux clairs. Il a dit, sans cligner : « Tu n'a rien à prouver à personne, sauf à toi même. Tu peux y arriver...» Il lui a tiré la main pour qu'elle se relève. Elle n'a pas trouvé la force de s'obstiner.

Une fois debout, elle s'est remise à courir. Jusqu'à l'arrivée, elle n'a pas eu à s'arrêter. Elle a traversé la ligne de la même façon qu'elle l'avait cent fois imaginé : les bras au ciel et le sourire aux lèves. Les larmes coulaient encore sur ses joues mouillées.

mardi 6 septembre 2011

La rentrée

Luc roule à 50 km à l'heure dans une zone scolaire. En se levant ce matin, il a oublié qu'on était en septembre.
Il croise une auto-patrouille.

Luc ne remarque pas le policier.
Le policier voit tout de suite Luc.

Pour arriver à le rattraper, la voiture de police accélère jusqu'à 60 km à l'heure. Dans une zone scolaire.

mercredi 31 août 2011

Maria

Chez elle, on parle espagnol depuis qu’elle est toute petite. C’est comme ça qu’elle fait, comme ça qu’on lui a appris.

Maintenant qu’elle habite à Montréal, elle doit parler français. Pour apprendre, elle passe ses journées à la bibliothèque municipale. Elle lit La Presse et l’Actualité en bougeant les lèvres et en suivant les mots avec le doigt.

Quand elle croise le regard de quelqu’un, elle n’ose pas encore ouvrir la bouche. Pour l’instant, elle se contente de sourire.

lundi 22 août 2011

L'automne

Camouflée sous une veste à manches longues, elle regarde rosir les fleurs d’hydrangées.

mardi 16 août 2011

Gabriel

4 libres et 2 onces.
Presque 31 semaines de gestation.

Il se choque quand il perd sa suce.
Il crie, il crie fort.
Il est en vie.

Opportuniste

Elle aime son chat seulement les soirs de week-end, où son mari rentre tard de sa partie de poker. Quand le matou vient prendre la place du monsieur sur l'oreiller, à côté d'elle. Autrement, elle n'en peut plus de pelleter sa merde.

vendredi 5 août 2011

Giorgio

Elle souhaite faire un peu de rangement. S'attaque d'abord aux vieux magazines. Juste avant de les jeter, son regard s'attarde sur des photos de l'homme qui annonce les parfums Armani. Elle ressent le même plaisir que lorsqu'elle était jeune fille.

jeudi 4 août 2011

Triste paysage

En roulant sur la route 111, Laura croise une maison. Tout le moins, ce qu'il en reste. De la peinture blanche écaillée sur le cadre des fenêtres fracassées, mais qui tiennent encore. Une galerie encombrée d'un tas de vieilles planches tordues par l'humidité. Une cour en gravier, camouflée par la carcasse d'une voiture démantelée et d'un tracteur à pelouse. Une chaise berçante sans accoudoir près de la porte d'entrée, qu'on a laissée entre ouverte.

Sur ce tableau rural désolant, Laura remarque les seules touches de couleur vive : le bleu et le vert criant de la grosse poubelle et du bac à recyclage.

mardi 26 juillet 2011

L'Oréal coloration Féria 8.03

Laura ouvre le journal sur une histoire horrible : une femme pleure son père, assassiné par son voisin. On peut voir cette femme sur une photo, dans la troisième page du cahier principal. Laura devine ses yeux rouges et bouffis, son mascara noir débordant légèrement sur sa paupière droite, ses lèvres pincées formant un trait fin, sa peine crevant son visage. Mais par-dessus tout, Laura remarque d'abord la couleur de ses cheveux, d'un blond miel parfait. « À son âge, c'est sûrement une teinture », pense Laura, qui se fit aux informations qu'elle lit dans l'histoire. « Je tuerais pour avoir le nom de son coiffeur. »

Pareil, pas pareil

Il préfère les chansons avec des paroles qui ne riment pas.

mardi 28 juin 2011

Beaucoup de bruit pour rien

Anne amène les enfants faire un pique-nique. Elle a tout fait elle-même : pilé les oeufs pour faire les sandwiches, tranché les carottes, les brocolis, mélangé la trempette aux épinards, mis les breuvages au frais. Elle a choisi une vieille nappe à carreaux, assez grand pour qu'ils puissent tous s'asseoir dessus.

Dans le sentier du parc qui mène au lac, Anne marche devant. Les enfants suivent derrière. « Répétez après moi!, » cri la mère, enjouée. Elle se met à chanter à pleins poumons « Bonhomme, bonhomme, sais-tu jouer? » Les enfants restent silencieux. Elle recommence. « Bonhomme, bonhomme, sais-tu jouer? » Personne ne reprend la chanson. Ils se contentent de marcher, le visage long, l'air tanné. En se retournant vers sa marmaille, la mère se demande : pourquoi se donner tant de mal...

jeudi 23 juin 2011

Au Starbucks café

Elle est belle : des cheveux ébène, un nez droit, un sourire moqueur, un corps long et mince, des ongles d'orteils soigneusement peints en rouge.

Elle sort toutes les huit minutes pour aller fumer une cigarette.

mardi 21 juin 2011

Été piquant

Depuis qu'ils sont de retour d'une fin de semaine de camping en famille, la fille de Laura met du chasse-moustiques à ses amis imaginaires.

jeudi 16 juin 2011

Passe-temps

Elle prend des photos avec son téléphone portable, qu'elle affiche sur Météomédia.
Comme ça, elle a une excuse pour moins travailler.

mardi 17 mai 2011

Ménage du printemps

Un jour, c'est certain, elle prendra un grand sac à vidange — pour y mettre les moitiés d'oeufs de Pâques en plastique, les figurines de princesse, les autocollants de Tomas le train, les gribouillages d'enfants, les bouts de pâte à modelé séchée, les sucettes mordillées, les morceaux de casse-tête — et elle le jettera à la poubelle.

Une journée au gym

Le soir, à table, elle pense à toutes les calories qu'elle brûle simplement à prendre soin des enfants et de la maison.

- Ramasser les miettes de repas en passant un coup de balai x 3
- Faire la navette entre les chambres à coucher, en haut, et la salle de lavage, au sous-sol, un panier de linge dans les bras x 4
- Installer les enfants dans leurs sièges d'auto x 6
- Décharger le panier d'épicerie pour remplir la voiture... x 1
- ...puis, tout transporter dans la maison x 1
- Ranger les jouets x 63
- Monter les marches d'escalier quatre à quatre pour: le bisou oublié, le verre d'eau renversé, le pipi de trop

Elle a sûrement droit à une autre part de gâteau.

mardi 1 mars 2011

L'escalier

La petite fille a quatre ans, et sa mère insiste encore pour lui tenir la main lorsqu'elles descendent l'escalier côte à côte. Simplement parce qu'avoir sa main délicate dans la sienne lui fait plaisir.

jeudi 24 février 2011

Bonne conscience

Mercredi, jour de recyclage. Claire prépare le bac bleu à mettre au chemin. Dans celui-là, elle entasse des cannes de tomates vides et les conserves de thon dans l'huile. Empile les vieux journaux de la semaine, les boîtes de céréales, de barres tendres au miel, de fettucini; ceux qu'elle a fait cuire pour son succulent plat de pâtes aux fruits de mer. Entre les piles de papier, elle glisse trois bouteilles d'eau aplaties avec soin, quatre feuilles de papier d'aluminium nettoyées et pliées, trois sacs de lait écrémé. Juste avant de sortir le bac, elle remarque une grosse boîte de couches jetables. Des Pampers numéro 4. Du carton d'un vert éclatant décoré d'un visage de bébé qui rit. Impossible à ignorer. Claire défait la boîte. L'écrase. La force à rentrer dans le bac trop plein, qui ne veut plus se refermer. La voilà donc obligée de laisser la boîte au grand air, à la vue de tous ceux qui passeront devant chez elle. Du coup, sa bonne conscience de femme qui recycle est troublée par celle qui ne veut rien savoir de frotter des couches sales. Claire prend donc la boîte de carton vide et la jette aux poubelles.

jeudi 17 février 2011

Un air de famille

Le petit frère de Laura est venu passer quelques jours à la maison. Il a ouvert la porte d'entrée, les bras remplis de cadeaux : des peluches, des bonbons pour les enfants, heureux de la voir venir. Une bouteille de blanc à mettre au frais. « Pour manger avec le poisson. » Du doré pêché par son père, qu'elle garde au congélateur pour les grandes occasions. Comme la visite de son frère.

Le soir, après le souper, après avoir fait l'âne et le cheval pour la petite, après avoir poussé les camions du petit, ils ont couché les enfants. Ils ont soufflé du maïs sur le rond de la cuisinière, comme faisait leur mère lorsqu'ils étaient petits. Ils ont sorti l'édredon du coffre, elle s'est assise sur le divan. « Pousse-toi, un peu! Je n'ai pas de place! » Elle a souri au grand gaillard de six pieds trois pouces, qui se tenait devant elle. Malgré sa barbe brune et ses épaules larges, il était pareil au petit garçon qui avait grandi avec elle. « Viens te coller, mon petit frère chéri... » a-t-elle dit, en lui tendant les bras. Elle était pareil à la petite fille qui avait grandi avec lui.

jeudi 10 février 2011

Audrey Tautou

Dans la salle d'attente du dentiste, Claire tombe sur un vieux numéro du magazine Châteleine. Sur la page couverture, le gros titre: « Pour en finir avec le culte de la minceur. » C'est écrit noir sur bleu jeans. Le skinny de la belle Audrey Tautou.

jeudi 3 février 2011

Chansons d'amour

Dans sa voiture, en sillonnant les rues enneigées aux allures de cartes postales, Anne écoute la radio. Les chansons d'amour s'enchaînent, les unes après les autres : Quand on aime, on a toujours vingt ans, de Jean-Pierre Ferland. La vie en rose, d'Édith Piaf. Tu es à moi, de Pierre Lapointe. Et puis, l'animateur. « Encore une fois, la Saint-Valentin! Un beau prétexte pour dire ce que l'on pense aux gens qu'on aime. Un beau moment pour être heureux. Un temps toutefois difficile pour les célibataires. À ceux-là, j'ai envie de dire : ne vous privez pas : aimez quelqu'un, même s'il ne vous aime pas en retour. Ne lui dites simplement pas. »

En poursuivant sa route sur l'air de Love Hurts, de Nazareth, Anne pense: Et si c'était ça, le malheur?

mardi 25 janvier 2011

Un grand lit

Ils dorment toujours du même côté du lit: elle à gauche, lui à droite. Qu'ils soient à la maison, qu'ils couchent à l'hôtel, chez des amis, les parents, les beaux-parents. Qu'ils partagent un matelas de camping, ils s'allongent toujours de la même manière. Sauf quand lui ne dort pas à la maison. Quand il part pour la semaine en voyage d'affaires. Quand il rentre tard du bureau ou de sa partie de hockey. Quand il éteint la télévision au petit matin et qu'il monte la rejoindre, il la retrouve endormie sur son côté à lui. Elle prend sa place, comme pour oublier qu'elle est seule dans leur grand lit froid.

lundi 17 janvier 2011

Bad hair week

Anne se demande pourquoi investir autant chez le coiffeur. Car chaque fois qu'elle revient chez elle après la visite, elle ne semble jamais satisfaite. Ses cheveux sont soit trop bruns, soit trop blonds. Soit trop courts, soit trop longs. Jamais comme il faut. Étrangement, personne autour ne semble remarquer le changement. Ou du moins, personne n'ose rien dire. Pourtant elle, elle voit une différence. Elle scrute son reflet plusieurs minutes, plusieurs fois par jour. Elle observe la racine de ses cheveux sous le néon de la cuisine, dans le reflet du grille-pain. Elle louche vers les pointes de sa tignasse quand elle est sous le soleil. Elle se regarde dans les vitrines des magasins. Elle sursaute longtemps, déçue. Pensant: « Encore une fois, je n'aime vraiment pas mes cheveux. » Puis, une semaine plus tard — deux, au pire —, elle s'habitue. Se reconnait. Ne remarque plus, elle non plus, la différence.

dimanche 9 janvier 2011

La drogue

Elle a la migraine. C'est comme si on lui enfonçait la pointe d'un crayon à mine sur le bout de son sourcil gauche, juste au-dessus de son oeil. Elle déteste avoir la migraine. Déteste surtout le dire. « J'ai la migraine. » Elle trouve que ça fait hystérique.

Ces jours-là, elle prend un comprimé; une pilule qu'on avale comme on agrippe une bouée de sauvetage lorsqu'on est à l'eau. Elle s'étend sur le divan du salon, sous une couverture. Attend l'engourdissement. Étrangement, même si la douleur ne disparaît pas, elle devait supportable. Comme si, une fois engourdi, l'esprit acceptait d'avoir mal. Trouvait cela presque agréable.