samedi 2 juin 2012

Écrire


Elle lit : « Rien ne s'oppose à la nuit », de Delphine de Vigan. Elle accroche sur ce passage, dans lequel l'auteure raconte une conversation qu'elle a eu avec un chauffeur de taxi. Un échange pendant lequel le chauffeur lui demande ce qu'elle fait dans la vie. 

« Je fis l'effort de répondre au chauffeur, écrit Delphine. Un peu évasive, et puis, comme il insistait, je finis par lui dire que j'écrivais.

- À quoi c'est dû? m'a-t-il demandé, exactement comme s'il s'agissait d'une maladie, voire d'une punition, ou d'une malédiction.

Dans le rétroviseur, il m'observait d'un oeil compatissant. » 

jeudi 24 mai 2012

Drôle d'image

Lorsqu'elle se penche pour ramasser la crotte de son chien, ce n'est jamais chic.

lundi 21 mai 2012

Retrouvailles


Elle le rejoint par Facebook. Elle ne lui a jamais écrit, jusqu’à maintenant. Son désir d’entrer en contact avec lui se manifeste, après qu’elle voit défiler l’une de ses photos sur son fil d'actualité. Un cliché de lui pagayant dans un kayak de mer. Il a le même visage qu’il y a vingt ans.

Elle lui écrit seulement deux lignes. « Tu n’affiches aucune photo de famille à ton mur. Tu n’as jamais pensé avoir des enfants? » Elle n’ose pas rajouter : tu ferais un excellent père.

Elle clique sur l’icône « envoyer » sans savoir ce qui lui prend. 

vendredi 4 mai 2012

L'entraînement de natation

La partie la plus éprouvante de son entrainement de natation est quand, entre le réchauffement et le programme d’intervalles, elle doit prendre une pause pour aller uriner. Se battre pour faire descendre les bretelles de son maillot humide, faire rouler le tissu collant à sa peau trempée jusqu’à ses cuisses dégoulinantes d’eau de piscine, poser ses fesses ruisselantes sur la lunette tout aussi mouillée d’une toilette publique, faire de son mieux pour s’éponger l’entre-jambes d’un bout de papier détrempé et s’épuiser à remettre le costume de bain en place, sur son corps frissonnant.

Chaque fois que ça lui arrive (et ça lui arrive souvent), elle s’étonne de constater que personne avant, ni après elle, ne semble jamais avoir à interrompre sa séance d’entrainement pour se rendre aux toilettes. 

Alors, elle se demande : mais qu’est ce qu’ils font, les autres?

mardi 1 mai 2012

Les enfants de la télé

Plusieurs études dénoncent les effets dévastateurs de la télévision sur les enfants. Qu'en est-il des études sur les enfants égorgés par leur mère?

dimanche 22 avril 2012

Coeur d'enfant

Elle a quatre ans.
Elle est encore capable de s'émerveiller devant une bordée de neige, même en avril.

mercredi 11 avril 2012

La noce et le filet

Son fils de trois ans a pointé la page couverture du roman qu'elle était en train de lire. C'était Nos séparations de David Foenkinos. Un petit livre de poche de la collection Folio, des éditions Gallimard.

L'illustration représentait le dessin d'un couple vêtu leurs habits de noce ; un homme dans son smoking, une femme dans sa robe blanche. Un voile recouvrait le visage de la mariée. Le tulle, grossièrement tracé, faisait pensé à une grille, un filet. Un vrai voile de mariée.

Devant la figure camouflée de la femme, le petit garçon a dit : « Regarde maman, comme elle s’est fait prendre, la dame! »
Anne a ri, d’un rire jaune. « Elle est prise, très prise, en effet… »

lundi 5 mars 2012

L'habitude

La chaussette traîne dans le bol à fruit depuis quatre jours. Entre le kiwi et la poire Bosc, coincée sous une banane. Malgré qu’elle soit bleu azur, Anne ne la remarque même plus.

Au moins, elle est propre. Surement propre. Vraiment? Ce serait à Anne d’en témoigner. De dire si la chaussette s’est retrouvée dans le bol, en route vers la chambre du petit ou la salle de lavage. Toutefois, Anne ne semble pas s’en préoccuper. Personne d’autre dans la maison, d’ailleurs.

Comme si, à la longue, une chaussette dans un bol à fruit était devenue une chose tout à fait naturelle.

jeudi 1 mars 2012

Chaussée glissante

Les soirs de tempêtes, quand Anne rentre chez elle en voiture, ça l'émeut de lire les panneaux lumineux qui clignotent le long de l'autoroute. « Chaussée glissante. Ralentissez. Quelqu'un vous attend. »

Elle pense à ses enfants. Elle ralentit.

mardi 28 février 2012

Comptine

Pour garder l'attention de ses enfants, ou pour leur changer les idées, Laura chante des chansons inventées.
Des paroles insensées qui sonnent comme ça :

Frotte, frotte, frotte le popotin
Barbouillé de crème, barbouillé de crème
Frotte, frotte, frotte le popotin
Barbouillé de crème glacée au chocolat

Si jamais on pouvait l'entendre, il ne lui restait plus qu'à courir se cacher...

mardi 7 février 2012

L'écureuil

Anne a tué un bébé écureuil en roulant dessus. Elle pense qu’il était bébé, il avait l’air si petit dans le reflet de son rétroviseur. Elle pense que s’était un écureuil, elle ne s’est pas arrêtée. Il faisait nuit.

Peut-être bougeait-il encore?

Elle ne s’est arrêtée qu’une fois rendue chez elle, à plus d’un kilomètre de l’incident. C’est le mot auquel elle a pensé : incident. Un petit incident. Rien de très grave. Rien qu’un écureuil, après tout.

N’est-ce pas?

Bizarrement, elle tremblait encore.

mercredi 1 février 2012

Mode de cuisson

Laura est convaincue qu’elle serait plus heureuse avec une piscine creusée, un téléviseur à écran plat et un four à convection. Voilà à quoi elle pense dans sa voiture, en revenant de chez une amie qui avait cuisiné un excellent gâteau pour elle (sûrement à cause du mode de cuisson).

Au feu rouge, elle s’arrête derrière une voiture qui porte un autocollant sur lequel elle peut lire : « You don’t always have to believe what you think. » Elle décide de changer de chemin, toujours certaine qu’il lui manque quelque chose.

lundi 16 janvier 2012

Enfants malades

Elle travaille à l'hôpital, où elle s'occupe des enfants malades. C'est sa mission, sa raison d'être. Elle y passe presque toute sa vie (sauf pour une heure par jour, où elle rentre à la maison pour voir un peu ses deux enfants à elle.)

mercredi 11 janvier 2012

La bonne année

Ce qu'Anne déteste par-dessus tout du retour au travail après la période de Noël, c'est de devoir embrasser ses collègues pour leur souhaiter la bonne année. Elle pince toujours les lèvres, en déglutissant avec peine, avant de poser sa bouche rose sur les joues molles et rugueuses de son voisin de bureau. Elle fait pareil quand elle s'approche du visage rude et moite de son vieux patron. Toutefois, ce qui la console, c’est d’avoir à faire la même chose avec Antoine Blain. Quand elle s’avance vers celui-là, Anne prend la peine de faire un pas de plus qu’avec les autres, en penchant le haut de son corps légèrement en avant. Elle ferme aussi les yeux, en l’embrassant. Pour arriver à garder en mémoire l’odeur de sa lotion après-rasage.

jeudi 5 janvier 2012

Entre Val d'or et Montréal

Elle déteste voir son reflet dans le miroir des toilettes d'une station-service, après cinq heures de route. Ses cheveux plats, qui paraissent jaunes sous l'éclairage des néons, ses yeux cernés, ses lèvres desséchées par le chauffage de la voiture. En lavant ses mains à l'eau froide, elle soupire de découragement à l'idée des trois heures qui restent encore à faire jusque chez elle. Pourtant, elle finit toujours par arriver.

Elle est de retour.

Heureuse année!