samedi 25 décembre 2010

Joyeuses fêtes

Anne s'est toujours demandé pour sa mère cuisinait autant de nourriture en prévision des fêtes. D'autant plus cette année, puisqu'elle prévoyait de passer un Noël tranquille. Mais comme à chaque fois, la mère avait préparé une douzaine de pâtés à la viande et des tartes aux pommes, avec les restants de la pâte. Elle avait fait du ragoût, des lasagnes, des beignes et des biscuits. Elle avait tout congelé.

Le matin de Noël, la maisonnée était déserte chez les Lajoie. Puis vers midi, Anne est arrivée chez sa mère, avec son conjoint et les enfants. Aux alentours d'une heure et demie, les deux tantes, Thérèse et Andrée, sont venues faire un tour. À trois heures, trois cousins sont arrêtés prendre un verre.

Au moment de mettre le couvert pour le souper, une douzaine de personnes étaient réunies autour de la table de la cuisine. La mère d'Anne n'a eu qu'à réchauffer les pâtés, quelques desserts. Tous ensemble, ils ont fêté Noël.

dimanche 19 décembre 2010

Le duel

Anne fait du ski. Au milieu d'une montagne haute à couper le souffle, un autre skieur la dépasse. Un homme, athlétique, grand, brun. C'est ce qu'elle en déduit, de par la couleur de sa barbe; ses cheveux étant cachés par une tuque. Avant qu'il la croise, elle le sent derrière elle, presque sur ses talons. Puis, il la double d'un pas rapide, lui jette un coup d'oeil au passage, la salue d'un coup de tête. Elle le voit devant. Le regarder aller sur ses skis : son cuissard moulant, aérodynamique, son manteau bleu acier dernier cri, ses verres fumés. Elle est derrière lui, presque sur ses talons. Juste avant d'attaquer le dernier quart de la pente, l'homme perd pied, trébuche devant elle. En le dépassant à son tour, Anne pense : « Peut importe l'habit et l'allure des jambes, quand on tombe, on a l'air con. »

mardi 14 décembre 2010

Du bonbon temps

Elle ne mange pas de bonbon en faisant autre chose; ce serait un plaisir gaspillé. Elle s'assoit plutôt sur le divan, la sucrerie entre la main et la langue. Elle déguste lentement, laisse l'eau lui monter à la bouche, pense à ce qu'elle mange, mastique longtemps avant d'avaler. Elle en fait un instant de bonheur.

vendredi 10 décembre 2010

Mon beau sapin

Chez Laura, la neige tombe au même rythme que les aiguilles du sapin sur le plancher de bois franc. Des aiguilles, il y en a maintenant entre les lattes de chêne, sur le cadre de la fenêtre du salon, entre les mailles du tapis de la porte d'entrée, sous le divan, et sous la table à diner, et sous les tabourets de l'îlot. Des aiguilles, il y en aura jusqu'en juillet. Seulement le 10 décembre, et Laura se demande déjà pourquoi elle s’entête chaque année à choisir un arbre naturel.

mardi 7 décembre 2010

Les bleus

Quand elle s'assoit — au bureau, en réunion, au restaurant —, Anne se croise les jambes. Elle ne devrait pas, elle le sait : se croiser les jambes favorise l'apparition des varices. Elle l'a lu quelque part. Anne n'a cependant pas trouvé d'autre façon de s'asseoir avec élégance. Tant pis.

Le matin, quand elle sort de la douche et qu'elle sèche son corps mouillé, Anne regarde les veines bleues qui semblent vouloir se dessiner sur ses jambes. Bientôt, Anne devra donc se contenter d'être élégante en pantalon.

dimanche 5 décembre 2010

Toilettes publiques

Quand elle va aux toilettes publiques, Claire n'aime pas voir le visage de celle qui a fait pipi avant elle. Elle préfère ne pas savoir quelles fesses ont touché le bol avant les siennes, quelles mains ont tiré la chasse d'eau avant d'être lavées. Quand elle le peut, Claire choisit une cabine vide en contournant poliment la porte qu'une autre a tenue ouverte pour elle. Sinon, elle se glisse à toute vitesse entre les murs en gardant les yeux baissés.

mercredi 1 décembre 2010

Des bananes

Anne revient du marché. Elle a acheté du basilic, des épinards, du pain de ménage, du fromage, des pâtes fraîches, un ananas, des bananes, entres autres. Elle range les herbes, les pâtes et le fromage au frigo. Le reste de la commande sur le comptoir. Les bananes bien jaunes sont allées remplacer les autres, bien brunes, dans le panier à fruit.

Anne épluche les fruits trop mûrs, les met dans un contenant de plastique qu'elle range au congélateur. Pour faire un gâteau, pense-t-elle, en refermant la porte sur les dix contenants remplis de bananes brunis. Anne ne cuisine jamais de gâteau. Pourtant, Anne s'entête à garder ses bananes.