C'est le personnage de Catherine qu'elle préfère. Son sens de la répartie et sa carrière d'auteur. Son mari Robert, qui ne l'écoute plus, et la vague naturelle de ses cheveux, qui donne du volume à sa crinière châtaine.
Elle savoure chacun des épisodes de la télésérie, calée dans son fauteuil blanc crème, un bol de raisins rouges dans les mains. Elle attend d'avoir couché les enfants, rangé la cuisine, éteint les lumières. Elle s'assure de voir Michel planté devant son ordinateur. Elle allume la télé.
Le jour venu, lorsque Michel ne l'écoute plus, Anne imagine les accords d'une trame sonore, qui accompagne l'air indifférent de son mari. Elle se prend secrètement pour une vedette de télésérie. Sa vie lui semble alors plus tolérable.
samedi 27 février 2010
mercredi 24 février 2010
Un chaudron de chaudrée
Ils skient à la brunante, en pleine tempête de février. La neige lourde colle à leurs bottes, leur chapeau, aux arbres. Le vent est doux malgré l'hiver. Il fait un degré sous zéro.
Ils rentrent vers 19 h. Dans la mijoteuse, une chaudrée de fruits de mer cuit doucement depuis le matin. Du saumon bien rose, des crevettes, des palourdes, une feuille de laurier. Avec, un pain tendre, un camembert juste assez tiède, un verre de chardonnay. Un Jackson Triggs, qu'ils savourent en l'honneur des Jeux olympiques. Ils boivent lentement en écoutant le hockey.
Ils rentrent vers 19 h. Dans la mijoteuse, une chaudrée de fruits de mer cuit doucement depuis le matin. Du saumon bien rose, des crevettes, des palourdes, une feuille de laurier. Avec, un pain tendre, un camembert juste assez tiède, un verre de chardonnay. Un Jackson Triggs, qu'ils savourent en l'honneur des Jeux olympiques. Ils boivent lentement en écoutant le hockey.
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dimanche 21 février 2010
La page blanche
Certains jours, elle n'a rien à dire. Elle reste assise à son bureau pendant des heures. Elle ne se lève que pour aller pisser, trois fois toutes les quinze minutes. Que pour manger, deux fois l'heure. Que pour regarder dehors, le reste du temps. C'est jours là, elle s'imagine agripper violemment l'écran de son ordinateur pour le passer à travers la fenêtre. Elle se convainc de laisser faire : changer de vitre serait trop de travail. Lorsqu'elle se résigne enfin à déposer le crayon sur sa page blanche, elle sent l'angoisse lui prendre la gorge. Le soir, elle pense : « Et si je n’avais plus jamais rien à dire ? »
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mercredi 17 février 2010
Tout passe
Toujours dans le même livre, Anne est particulièrement touchée par cette phrase du personnage qui explique sa compréhension de la vie : « C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent. »
Ça lui rappelle une vieille tante à elle, qui lui disait toujours : « Cela aussi passera. »
Aux premières larmes versées pour un garçon : « Cela aussi passera! » Devant cette lettre, où on lui refusait l'entrée à l'université : « Cela aussi passera! » Envers ce patron méprisant : « Cela aussi passera! » Et devant elle, le jour de son mariage. Devant Anne, magnifiquement vêtue de blanc. À ses cheveux bouclés, délicatement remontés par une pince, ses lèvres roses et ses joues aussi, son visage jeune et son corps solide. À sa beauté désarmante, sa tante avait dit : « Cela aussi passera... »
Ça lui rappelle une vieille tante à elle, qui lui disait toujours : « Cela aussi passera. »
Aux premières larmes versées pour un garçon : « Cela aussi passera! » Devant cette lettre, où on lui refusait l'entrée à l'université : « Cela aussi passera! » Envers ce patron méprisant : « Cela aussi passera! » Et devant elle, le jour de son mariage. Devant Anne, magnifiquement vêtue de blanc. À ses cheveux bouclés, délicatement remontés par une pince, ses lèvres roses et ses joues aussi, son visage jeune et son corps solide. À sa beauté désarmante, sa tante avait dit : « Cela aussi passera... »
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Anne
dimanche 14 février 2010
L'amour, toujours
L'écran de son ordinateur s'ouvre sur quelques mots d'amour. Un message écrit par l'homme qu'elle aime depuis onze ans.
« Ma chérie,
Les chemises sont prêtes. Puisque le nettoyeur est sur ton chemin de retour, pourrais-tu passer les prendre? Je rentrerai tard, ce soir. J'ai beaucoup de travail.
Je pense à toi, je t'aime.
Mi. »
Les mots sont affreusement banals. Mais, la certitude qu'il rentrera ce soir, et la lettre signée « je t'aime », ont quelque chose de rassurant.
« Ma chérie,
Les chemises sont prêtes. Puisque le nettoyeur est sur ton chemin de retour, pourrais-tu passer les prendre? Je rentrerai tard, ce soir. J'ai beaucoup de travail.
Je pense à toi, je t'aime.
Mi. »
Les mots sont affreusement banals. Mais, la certitude qu'il rentrera ce soir, et la lettre signée « je t'aime », ont quelque chose de rassurant.
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Anne
jeudi 11 février 2010
Des bulles
Dans une boîte de carton rose qu'elle range sur la troisième tablette de la bibliothèque du salon, Claire garde chacun des bouchons de liège des bouteilles de champagne qu'elle ouvre, les jours de fête. Sur chacun d'eux, elle pose une étiquette.
« Dernier jour du bac »
« Fiançailles »
« Achat de la maison sur la rue des Passereaux »
« Test de grossesse positif »
« Deuxième test de grossesse positif »
Aujourd'hui, Claire sabre le champagne pour célébrer ses trente ans. Joyeux anniversaire...
« Dernier jour du bac »
« Fiançailles »
« Achat de la maison sur la rue des Passereaux »
« Test de grossesse positif »
« Deuxième test de grossesse positif »
Aujourd'hui, Claire sabre le champagne pour célébrer ses trente ans. Joyeux anniversaire...
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Claire
lundi 8 février 2010
Dommages collatéraux
Luc et Rachel se sont rencontrés à 16 ans, derrière le comptoir d'un restaurant de service rapide. Elle était caissière, il flippait des burgers et salait les frites. Les soirs de fermeture, il passait la vadrouille à sa place pour qu'elle puisse terminer de compter sa caisse. Rachel comptait lentement. Ils finissaient la soirée ensemble autour d'un chocolat chaud et des restes de biscuits, qui n'avaient pas trouvé d'acheteurs. Ils étaient amis, parlaient de l'amour qu'ils ressentaient pour d'autres. Leur relation était sincère.
Un an plus tard, Rachel quittait la ville pour aller étudier. Ils n'ont jamais échangé de numéro de téléphone. Seulement une adresse courriel qu'ils utilisaient les jours de fête. Où les jours mauvais. Comme celui où il avait perdu sa mère, puis deux semaines après, son chien. Celui où elle avait fait une mauvaise chute, et qu'elle s'était cassée la cheville. Où il avait trompé sa femme avec sa voisine de droite. Où elle avait giflé son chat, son mari, son fils.
Rachel était une grande amie. Une amie rare. Malheureusement, aujourd'hui, c'est sa soeur qui écrit pour lui annoncer que Rachel n'écrira plus. Parce qu'elle est morte.
Un an plus tard, Rachel quittait la ville pour aller étudier. Ils n'ont jamais échangé de numéro de téléphone. Seulement une adresse courriel qu'ils utilisaient les jours de fête. Où les jours mauvais. Comme celui où il avait perdu sa mère, puis deux semaines après, son chien. Celui où elle avait fait une mauvaise chute, et qu'elle s'était cassée la cheville. Où il avait trompé sa femme avec sa voisine de droite. Où elle avait giflé son chat, son mari, son fils.
Rachel était une grande amie. Une amie rare. Malheureusement, aujourd'hui, c'est sa soeur qui écrit pour lui annoncer que Rachel n'écrira plus. Parce qu'elle est morte.
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Luc
vendredi 5 février 2010
Une maison sale
Anne regarde le fouillis de la cuisine, du salon. Les miettes de chocolat collées sur le couvercle de la poubelle; les restes du gâteau d'anniversaire de son fils Arnaud, fêté deux semaines plus tôt. Le soleil de midi frappe la vitre de la porte-patio, laisse deviner des traces de doigts, de bouches, de langues. Sur le plancher verni, des égratignures marquent le passage d'un camion jaune, d'une auto de police, d'une poussette.
Là où Anne voit des coulisses de jus de pomme sur les murs, des miettes de pain dans les escaliers, des bas sales roulés en boule, sur la causeuse du salon, Anne voit la vie.
Là où Anne voit des coulisses de jus de pomme sur les murs, des miettes de pain dans les escaliers, des bas sales roulés en boule, sur la causeuse du salon, Anne voit la vie.
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Anne
mercredi 3 février 2010
Face à face
« Cher Luc,
Je vous écris pour vous informer du décès de ma soeur Rachel. Un chauffard l'a frappé de plein fouet alors qu'elle revenait d'une fête, il y a de cela trois semaines. Elle n'a eu aucune chance. Elle était seule dans la voiture. Paul et les enfants n'ont rien, sinon une immense peine. J'ai trouvé votre adresse courriel dans sa liste de contacts. Je ne connaissais rien de votre relation avec elle. Je prends seulement l'initiative d'informer les gens inscris à son carnet d'adresse.
Toutes mes condoléances,
Catherine Larue. »
Luc a pris le courriel vers 13 h. De tout l'après-midi, il n'a bougé que les paupières pour déverser un trop-plein de larmes.
Je vous écris pour vous informer du décès de ma soeur Rachel. Un chauffard l'a frappé de plein fouet alors qu'elle revenait d'une fête, il y a de cela trois semaines. Elle n'a eu aucune chance. Elle était seule dans la voiture. Paul et les enfants n'ont rien, sinon une immense peine. J'ai trouvé votre adresse courriel dans sa liste de contacts. Je ne connaissais rien de votre relation avec elle. Je prends seulement l'initiative d'informer les gens inscris à son carnet d'adresse.
Toutes mes condoléances,
Catherine Larue. »
Luc a pris le courriel vers 13 h. De tout l'après-midi, il n'a bougé que les paupières pour déverser un trop-plein de larmes.
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Luc
lundi 1 février 2010
Plat mijoté
Quinze degrés sous zéro depuis hier. Janvier arrive même à traverser les murs des maisons des quartiers chics.
Laura a mis une casserole de poisson frais au four. Du doré pêché par son père, avec des poireaux rôtis, des pommes de terre tranchées, du vin blanc, de la crème, une pincée de muscade. Elle attend 6 h avant d'en vérifier la cuisson. Elle passe le temps avec sa fille, sa plus vieille, cachée sous une jetée de fausse laine.
Quand sonne la minuterie, Laura s'arrache de sous la couverture. L'air de la maison est froid, comme si le système de chauffage n'arrivait pas à chauffer l'immense pièce, ses douze pieds de plafond. Les mains dans les mitaines, Laura grelotte quand même. Elle tremble jusqu'à se qu'elle ouvre la porte du four. Jusqu'à ce qu'elle sente la chaleur sur son visage, ses bras. L'odeur d'un plat fait maison.
Laura a mis une casserole de poisson frais au four. Du doré pêché par son père, avec des poireaux rôtis, des pommes de terre tranchées, du vin blanc, de la crème, une pincée de muscade. Elle attend 6 h avant d'en vérifier la cuisson. Elle passe le temps avec sa fille, sa plus vieille, cachée sous une jetée de fausse laine.
Quand sonne la minuterie, Laura s'arrache de sous la couverture. L'air de la maison est froid, comme si le système de chauffage n'arrivait pas à chauffer l'immense pièce, ses douze pieds de plafond. Les mains dans les mitaines, Laura grelotte quand même. Elle tremble jusqu'à se qu'elle ouvre la porte du four. Jusqu'à ce qu'elle sente la chaleur sur son visage, ses bras. L'odeur d'un plat fait maison.
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